Cette pudeur
anonyme, qu'on ne narre pas, qu'on laisse défiler au bord de soi, à la limite
du possible, à la frontière de quelconque engendrement. Et si quelqu'un sait,
et si quelqu'un apprend?
Je me suis levée
sans phrases. J'ai parcouru des lèvres les mots des autres; ce qu'ils disaient
ne m'interpellaient pas, je sentais juste des paroles se livraient et se délivraient
de leurs corps, de leurs peaux. Je ne disais rien, j'éprouvais l'absence et le
silence de mes dires, l'exubérance d'une vie sans parole, où les débuts de
phrase s'envolent à chaque angle. Je n'ai pas dit. J'ai laissé filer les nuits
sans te dire. Je me suis perdue dans tous les jours, y séjournant par défaut;
je suis le défaut, l'intruse dans la liste des mots.
Sur le lit
parfois, on voit des restes anonymes, la mélancolie froide des jours sans
lendemain.
Ce découlement de
soi. Ces décollements fragiles de vêtements trop portés pour n'être plus vus.
Ce corps malhabile qui décrit des lignes un peu gommées et trop frêles pour être
démarquées. Mis dans des vêtements trop grands, ce corps se déserre de tout
lien, de tout contact, et rêve néanmoins d'être serré par des liens indéfectibles.
On se pose derrière.
On suppose que tout reviendra. On se dépose parfois dans les coins. Tout repose
sur soi. Mais il nous faut des pauses plus longues. Des longueurs qui encore
s'imposent et s'allongent. On cherche des positions pour rester en long et en
large. Mais le temps nous suppose. On restera pour les restes. Une déposition
et le geste.
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