Je ne supporte
plus ce corps. Pire, ce visage. Impossible de le changer. Et moi qui déteste le
maquillage, je le laisse vaquant, à la portée de tous. Des longs cheveux noirs,
des mèches devant coupées un peu plus courtes pour dissimuler les lignes de mon
visage. Mais ça ne suffit pas. Rien ne suffit. Il est toujours là. Des yeux
vides. Un air assymétrique, décalé,étranger, absolument pas photogénique. Dire
que çà fait depuis le collège que je n'ai plus de photos de moi. Je ne supporte
pas. Dans les soirées je fuis les objectifs, les appareils numériques modernes
de mes amis, qui photographient çà et là, des gens, des fragments, qui
deviendront des souvenirs. Et je ne ferais partie d'aucun souvenir.
La semaine
prochaine il y aura une soirée où l'on sera tous réunis, toute la bande, j'ai
envie d'apporter pour une fois mon appareil, je les prendrais tous, de mille et
une façons, ils sont tous photogéniques, ils aiment tous prendre la pause, être,
paraître, se jouer, sourire, grimacer pour rire, faire les idiots. Je serais
derrière l'objectif, avec cette tension amère. De me dire que je ne suis que
l'arrière-plan, que je n'ai pas de visage. Et que c'est trop tard pour en
avoir.
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